samedi 13 août 2011

Les rêves, la vie, c'est pareil...


Après leur évasion de l’asile d’aliénés, Miss Plunkett et Charles Neville se retrouvent dans une chambre d’hôtel. Sans que je me souvienne trop pourquoi. Ni ce qui explique le fait que la demoiselle soit encore toute nue !
Miss Plunkett: Je ne veux pas vous faire de peine, Charles, mais il faut que je vous ouvre mon cœur: Vous m'avez beaucoup déçue! Je vous aimais parce que vous aviez du génie et de l'intelligence. Mais sans votre art, vous n'êtes rien!
Charles: Allons, reprenez-vous: C'est dans les livres qu'on aime comme ça, pas dans la vie!
Miss Plunkett: Les rêves, la vie, c'est pareil ou bien alors ça ne vaut même pas le coup de vivre! Vous avez tout gâché. Vous n'êtes plus pour moi qu'un étranger sans la moindre affinité et je ne saurais me satisfaire d'une relation aussi médiocre! Rassurez-vous, par respect envers mes sentiments anciens, je ne vous mutilerais pas!
Charles: Cool!

vendredi 12 août 2011


« …Comme tous les agités du bocal, l’anglais cultivait toutes sortes de lubies et de passions maniaques. Parmi celles-ci, une foi inébranlable envers les 35 000 faits reconnus scientifiquement et collationnés par le romain..
Quoique très savante, Phyllis ignorait quelle était la substance hallucinogène à la mode sous le règne de l’empereur Vespasien.
Mais elle était certaine que le vieux Pline en avait fait une consommation immodérée. Car c’est bien sous l’emprise des stupéfiants que l’ on relate des fables qui mettent en scène des éléphants écrivant des phrases en grec, que l’on évoque l’idée selon laquelle les chèvres respireraient par les oreilles ou que l’on guérirait de la migraine en s’entourant la tête d’un soutien-gorge venant d’ être porté ! L’ennui était que Scrooge n’avait besoin d’aucun artifice opiacé pour croire en ces sornettes et prétendre les imposer.
Tous s’étaient détourné du fâcheux et Miss Plunkett restait le seul ouvrage dont on pu éprouver le désir de tourner les pages.
Le pire était que, dès le retour de la belle saison, le vieux fou obligeait Phyllis à lui apporter, sur un plateau d’argent rehaussé de vermeil, un melon au porto : « Depuis la plus haute antiquité, la médecine ne connaît pas de remède plus souverain pour apaiser les accès de bile noire dont la nature m’afflige... » Qu'il affirmait.
A cette phrase fatidique, le lait de la tendresse humaine tourna un soir dans le cœur de la jeune femme : d’un coup net et précis de couteau à huîtres, elle lui trancha la moelle épinière à la sortie du bulbe. Opération que l’on nomme, en tauromachie, le Descabello ! C’est ce dernier geste qui lui procura une forme indéfinie de plaisir, une volupté diffuse qu’elle se proposa de prolonger et d’étudier sur d’autres sujets d’expérience. Ainsi naissent les vocations ! »

Scrooge


Mais il nous faut revenir sur les raisons qui conduisirent Miss Plunkett à ce séjour dans les murs de la Fondation.
« Comme chacun sait, les fils de la perfide Albion éclairent essentiellement l’univers par leur science du gazon et leur étonnant élevage d’originaux en tous genres.
Dans ce dernier domaine, Scrooge avait longtemps tenu le haut du pavé dans le périmètre de Charing cross.
Sa librairie d’anciens et de curiosité était hantée par les fidèles de petites chapelles perpendiculaires à la grande abside de la littérature. Pas un jour ne passait sans qu’un amateur éclairé, outrageusement éconduit par un cerbère du British muséum, ne demande, à voix basse, un exemplaire du Nécronomicon de Abdul Al-Hazred.
Puis un mystérieux rhumatisme de l’âme contraignit Scrooge à s'exiler sous un climat moins prodigue en apparitions ectoplasmiques mais plus favorable aux êtres souffrant d’une infernale effervescence de la cervelle. Du moins, le croyait-on.
C’est ainsi que Scrooge débarqua à Cavaillon, précédé d’une longue théorie de containers enfermant une collection que lui enviait la bibliothèque de l’université Miskatonic d’Arkham.
Avant le grand saut, Scrooge avait recruté une assistante, Miss Phyllis Plunkett, pour laquelle il n’avait ni goût, ni confiance mais dont la délicieuse apparence gagnerait assurément la sympathie des indigènes.
Phyllis maîtrisait, par ailleurs, admirablement le français ainsi que le dialecte local, ce qui faciliterait le commerce avec une population avec laquelle l’Anglais, lui-même, n’entendait entretenir nulle autre relation que commerciale.
Cette morgue tellement britannique n’ aida en rien la prospérité de sa librairie “The Weird Sisters” et les quelques malheureux qui y entrèrent pour demander une carte de I.G.N ou bien une carte postale représentant la chapelle de la colline saint Jacques, claquaient bien vite la porte en une affirmant que jamais ils n’achèteraient les 37 volumes constituant « L’ histoire naturelle » de Pline l’ancien…

dimanche 7 août 2011


- Te souviens-tu de cette phrase d'Oscar Wilde : « Il n’existe ici-bas que deux sortes de tragédies: la première consiste à ne pas obtenir ce que l'on désire. La seconde, et c'est de loin la pire, étant de l'obtenir »?
- Oh! Tu veux dire que Miss Plunkett épargne à l'infirmier Tuchowsky ce cruel dilemme ?
- Voilà! Mais l'idée des ciseaux? Venue tout droit de « Dial M for murder » ?
- « Le crime était presque parfait » ? Je ne sais...

- Surtout, elle a compris que, lorsque l’on ne recherche que le plaisir, on ne le trouve jamais. Bien pis, on ne trouve bientôt qu’ennui si ce n’est dégoût. Quelque chose, dont on attend ou on exige du plaisir, nous le refuse presque toujours car le plaisir naît de ce qui est inattendu...
- Ce qui attend notre infirmier risque, certes, d'être inattendu pour lui mais aussi sans grand plaisir!
- Car c’est une loi de la Nature : dans la vie, toujours l’Amer se mêle au Sucré et le premier finit bientôt par l’emporter !

- Démocrite écrivit : « De petits services accordés au moment opportun sont les plus précieux aux yeux de ceux qui en bénéficient » ! C’est l’idée qui doit être semée dans l’esprit de l’infirmier Tuchowsky.
- OU, plus simplement, il doit voir, dans les yeux de Miss Plunkett, un lit défait.
- Il l’est déjà ! Miss Plunkett : c’est dans « Un sale Milieu », cette nouvelle qui complétait la première version de « La meilleure façon de tuer son prochain » que tu m’avais fait endossé les habits de Miss Plunkett...
- Lesquels étaient réduits au strict minimum !
- Tu la décrivais comme une sorte de professeur Moriarty décliné au féminin, ajoutant à sa beauté la perversité de son sexe. Elle n'entreprenait jamais rien - disais-tu encore - sans avoir préalablement pesé tout le mal que ses propos ou ses actes pouvait infliger. Le mot le plus doux à son oreille n'est-il pas « CRUAUTÉ » ?

samedi 6 août 2011


- Chut ! Écoutes…
- Mais… Je n’entends rien !
- Exactement ! Une planche et pas un mot. Le silence …
- Comme c’est reposant !
- N’est-ce pas ?

« LASCIATE OGNI SPERANZA, O VOI CH’ENTRATE! »


Une ancienne égérie, à la sombre chevelure, se souvient:
- T'as toujours aimé représenter les Maisons de Fous et faire l’inventaire maniaque de ceux qui y séjournent !
- Dans « Magnum Song », Jonathan Foolishbury commence son récit depuis une cellule capitonnée et au milieu des cris de démence que des infirmiers tentent de juguler à doses massives de calmants... Plus tard, et dans « La Meilleure Façon de tuer son prochain », l’écrivain Charles Neville se retrouve bientôt pensionnaire dans un Institut spécialisé…
« LASCIATE OGNI SPERANZA, O VOI CH’ENTRATE! » : Laissez toute espérance, vous qui entrez ici. Vers célèbre de Dante, qui est à la fois une imitation de Virgile et la fidèle expression du dogme de l'Église sur l'éternité des peines de l'enfer.
Ce sont les douze coups de minuit qui viennent de sonner au beffroi de la Fondation Sainte Apolline. Tout est donc en place pour que se joue l’avant-dernier acte…
Celui-là, c’est l’infirmier Tuchowsky. Il commence sa ronde... »

jeudi 4 août 2011

Où l'Auteur fait dans la dentelle!


Mais ce peignoir laissait entre-apercevoir une gorge que mes intégristes du Code Hays ne pouvaient tolérer. Aussi, avec une paire de ciseaux, je découpai un morceau de fines dentelles noires griffées Yves Saint Laurent, voile pudique posé sur toute cette chair qui troublait. La couverture fut publiée ainsi...
Je m'en fous pas mal car, comme le chantait Édith Piaf :
« J' travaille comme un chien toute la semaine
J' vous jure que l' patron, il est content
Mes amies se sont mises en colère :
"C'est pas bien malin, c' que tu fais!
Faut c' qu'y faut, mais toi, tu exagères,
Tu verras qu'un jour, tu le regretteras..."
J' m'en fous pas mal.
Y peut m'arriver n'importe quoi,
J' m'en fous pas mal.
J'ai mon dimanche qui est à moi… »
Voilà ! J'ai mon dimanche: il est tout au fond de moi, dans mes souvenirs. Et bien caché. Comme ce secret que monsieur CHOW, dans les films de Wong Kar Wai, va chuchoter dans l’anfractuosité d’un arbre avant de reboucher le trou avec de la terre!

Le Code Hays


C'était, je m'en souviens, pour un roman de Christopher Carter... « Trop de SEXE, Claeys, trop de SEXE ! » - Qu’on me reprocha du côté de la Place d’Italie.
- Que voulez-vous dire ?
- Nous sommes une Maison d’Édition respectable et nous ne saurions publier, en couverture, une scène représentant une jeune femme qui se caresse langoureusement, le regard perdu dans ses plaisirs solitaires!
- Bonté Divine ! Qu’allez-vous imaginer là ?
- Vous niez ?
J’ai pensé: « Je le jure devant Dieu, c’est bien sur son ventre que la comédienne posait une main innocente. Un effet d'optique, le raccourci, peut-être? » Et puis j’ai songé à ce type, Hays. Oui, celui qui fit rédiger le Code portant son nom et qui, à partir des années trente, fit peser, sur la production cinématographique hollywoodienne, des contraintes morales de la plus extrême sévérité. Par exemple, les nombrils ne devaient jamais être montrés. Y'avait une bonne raison à cela! En 1952, l'épouse du sénateur demanda le divorce : elle affirmait que son mari avait toujours confondu le sexe féminin avec le nombril ! J’ai pensé que les gens, ceux qui me refusaient ce dessin, étaient peut-être de cette obédience. Bah: je suis pas sur terre pour créer des embrouilles. On me paie, j'exécute !

« L’affaire de l’Assassin Modèle »


« Néanmoins, c'est un véritable faisceau d'indices qui vous confondent! » Vient-elle de dire.
- Ainsi, vous adonnant encore à la sale pratique de la rustine, vous avez encore caché sous un foulard, cette fois, ma blonde chevelure.
- Mais vous n'y êtes pas du tout! Là n’est pas la raison pour laquelle cette couverture fut refusée : « Non, mais vous ne pensez pas que nous allons publier des compositions aussi libertine ? - m’avait-on dit - Cachez cette poitrine que nous ne saurions voir ! » Mercenaire irréprochable, j’avais redessiné ce personnage et collé, à la gomme arabique (Photoshop n’était pas encore à la mode), un REPENTIR sur la dévergondée.

mercredi 3 août 2011

Une Nuit au Muséum (Détail)


APARTÉ. L'histoire de ce turban est beaucoup plus prosaïque. Sur ce détail, vous pouvez constater qu'un deuxième visage a été collé sur le premier. Originellement, le personnage croquait le biscuit et cette mastication fut jugée inesthétique. Le subterfuge ne fut rendu possible que grâce au bandeau qui raccordait parfaitement avec le tissu de la saharienne...

« Une Nuit au Muséum »


- Maintenant que vous en parlez - Reprit Phyllis Plunkett - Bien des pans de votre âme noire s’éclairent soudain ! Vous vous souvenez peut-être de cette chanson :
« Les brunes comptent pas pour des prunes.
On a plus d'idées, que les péroxydées
C'est sûr qu'on en jette
Plus que les blondinettes
On a plus d'éclat, que ces pauvres filles-là
Et puis voilà… »
- Très vaguement. Pourquoi me posez-vous cette drôle de question ?
- Parce que ce commentaire: « J'ai toujours rêvé de trouver une modèle ayant une coupe de cheveux à la Valentina de Crepax, bref à la Louise Brooks. Et puis j'ai toujours hérité que de blondes égéries: FATALITAS! »
- Une boutade sortie de son contexte.
- Pas seulement ! Je me souviens que vous m'avez systématiquement affublée d’accessoires pour dissimuler ma blondeur. Comme dans cette scène où l’héroïne devenait gardienne de nuit au Muséum. Cela, inventiez-vous, pour payer ses études de théologie et une somme du tonnerre sur la pensée Paulinienne. Là, elle se souvenait bien naturellement de cette phrase: « Que revient-il à l'homme de tout le travail qui le fatiguent sous le soleil? Tous ses jours ne sont que douleur et ses occupations que chagrins. Tout va vers un seul lieu : tout vient de la poussière et tout revient vers la poussière… »
- Voilà l'explication: elle portait ce turban pour se protéger des ardeurs de ce soleil sous lequel chacun ne connaît que douleurs, chagrins et fatigue, avant de retourner à la poussière...
- Votre réplique est d'autant plus habile qu'elle suggère que rien de mon enseignement au sujet des Paroles de Qohélet, fils de David et Roi à Jérusalem, ne soit tombé dans l'oreille d'un sourd! Néanmoins, c'est un véritable faisceau d'indices qui vous confondent!...

lundi 1 août 2011

« La Passion Scientifique »


- Pesait-il sur Stéphanie une sorte de malédiction qui fit que tous nos projets sombrèrent?
- Peut-être, et simplement, faut-il y voir la juste sanction infligée à la prétention de ces derniers?
- C'est à ce moment que l'on me confia cette suite de fresques sur Les Cabinets de Curiosités, les Bibliothèques et le Savoir, en général. Entrée en scène de Gaël...
- Serait-ce en une sorte de sorcière que vous l’aviez ici représentée ?
- Quelle idée !
- Un peu comme ces docteurs du moyen-âge qui dénonçaient la chaîne des péchés conduite par la femme, cette créature vaine et luxurieuse, cette fille de l’orgueil insatisfait qui entraîne avec elle coquetterie, paresse, envie, cupidité et mensonges... « Non seulement la femme dénigre la vertu - disaient-ils - mais son regard malveillant et sournois pervertit tout ce qu’elle voit ! »
- Ah ?
- Les érudits de l’église pensaient même que le Démon pouvait prendre la forme d'une femme, connue sous le nom de succube, pour séduire les hommes durant leur sommeil.
- Non ?
- Si ! Ils croyaient enfin que les démons pouvaient avoir des enfants, qu’ils l’avaient déjà fait et c’est ainsi que l’Antéchrist fut conçu par un démon et une sorcière.
- Je n'en crois rien!... En fait, c’était une fresque pour un truc sur la Connaissance ou un machin sur le Savoir !
- Alors je fais fausse route ?
- Droit dans le précipice ! D’ailleurs ça me revient : « La Passion Scientifique », tel en était le titre...
- Cela n’explique pas son étrange accoutrement. A moins que ce soit un subterfuge de votre part pour ne pas dessiner des cheveux blonds car vous dites que c’est drôlement coton à représenter, les cheveux blonds…
- N'importe quoi !
- J’ai des preuves accablantes et qui vont dans ce sens. A un ami qui écrivait : « C'est pénible à dessiner les cheveux », vous répondiez : « Exactement et surtout les cheveux blonds! J'ai toujours rêvé de trouver une modèle ayant une coupe de cheveux à la Valentina de Crepax, bref à la Louise Brooks. Un aplat noir bien construit avec, dedans, une luisance facile à représenter. Et puis j'ai toujours eu que des égéries blondes : FATALITAS! »
- Vous lisez mon courrier maintenant ?

« Mes cheveux sont comme une rivière infinie dans la plaine, où le soir enflammé s’écoule. »


« Mes cheveux sont comme un essaim d’abeilles suspendu le long d’un arbre. Le vent chaud du sud les pénètre, avec la rosée des luttes de l’amour et l’humide parfum des fleurs de la nuit.
Mes yeux sont comme des lys d’eau bleus sans tiges, immobiles sur des étangs. Ils sont à l’ombre de mes cils comme des lacs profonds sous des branches noires.
Mes lèvres sont deux fleurs délicates où est tombé le sang d’une biche. Elles sont les bords d’une blessure brûlante.
Ma langue est le poignard sanglant qui a fait la blessure de ta bouche. Elle est incrustée de pierres précieuses. Elle est rouge de mirer mes lèvres.
Mes bras sont arrondis comme deux défenses d’ivoire, et mes aisselles sont deux bouches. Mes bras sont allongés comme deux tiges de lys, d’où se penchent mes doigts comme cinq pétales.
Mes cuisses sont deux trompes d’éléphants blancs, qui portent les pieds comme deux fleurs rouges.
Mes pieds sont deux feuilles de nénufar sur l’eau; mes cuisses sont deux boutons de nénufar gonflés.
Mes seins sont deux boucliers d’argent dont les pointes ont trempé dans le sang. Ils sont la lune et le reflet de la lune dans l’eau.
Je suis comme une fleur de pourpre, pleine le miel et de parfums
Je suis comme une hydre de mer, vivante et molle, ouverte la nuit.
Je suis la grotte humide, le gîte toujours chaud.
L’Asile où l’homme se repose de marcher à la mort »...
Seule rescapée d'une longue suite de projets en forme de DEAD-END, cette image servit de couverture pour une sorte de livre virtuel, sur lequel je ne sais rien, mais consacré à qui, je vous le demande?
- Aphrodite?
- Exactement!