mercredi 23 novembre 2011

Quatrième de couverture


- Assez ! Ne racontez pas toute l’histoire.
- Vous croyez ?
- J’en suis certaine. Nous voilà donc à la quatrième de couverture.
- Déjà ?
- Ah ! Vous avez juré de me faire de la peine et vous avez reproduit ce « BAISER » que vous aviez sournoisement vendu. Non ! Je sais ce que vous allez me dire : « Faut bien vivre et l’on vend ce qu’on peut ou ce que l’on a ! »
- La vie d’artiste n’est pas toujours ce que l’on imagine.
- Oui, j'ai eu le temps de m’en rendre compte ! Cette citation, elle vient d’où ?
- La Ballade de la Geôle de Redding :
« Pourtant chacun tue ce qu’il aime.
L’un avec les mains du Désir,
Et l’autre avec les mains de l’Or.
Le plus humain prend un couteau :
Sitôt le froid gagne le corps.
Amour trop bref, amour trop long,
On achète, on vend son désir.
Certains le tuent avec des larmes
Et d’autres sans même un soupir.
Car si chacun tue ce qu’il aime,
Chacun n’a pas à en mourir ».
- Je ne suis pas certaine que ce soit une bonne idée, même si la citation fait mouche.
- Et pourquoi donc ?
- Cela fait trop littéraire et risque d’effaroucher l’éditeur qui, généralement, n’est pas trop amateur de phrases!
- C’est que Charles est écrivain et qu’il ne sait rien faire d’autre.
- Comme vous.
- Je l’avoue : je n’ai pas baroudé, je n’ai pas connu de guerre et n’ai vécu, en somme, que dans le monde artistique. Au moins, je parle de ce que je connais.

- Vous avez eu raison de ne pas publier la suite de l’entrevue de Charles avec sa connaissance. D’une part, elle vous aurait valu les foudres de la censure et, de l'autre, il faut bien garder des planches inédites si, un jour et par miracle, un éditeur (mieux, un amateur de causes désespérées!) venait à s'intéresser à vous. Que disait le dernier ? Ah, oui : « Que vous étiez un véritable auteur ! » Hélas, poursuivait-il, cette situation rendait difficile le fait de vous trouver une place dans ses collections: l’envergure de vos ailes, probablement.
- Ah ! Comme les albatros ? Probablement. Bon, revenons à Charles et à ses recherches. Il rend visite à Miss Plunkett, une bonne copine à lui…
- Encore une ?
- Ne vous méprenez pas : ce sont des préoccupations intellectuelles de la plus haute espèce qui les lient.
- Vous me rassurez.
- Le texte de la page précédente disait : « Miss Plunkett payait ses études de théologie en se produisant sur la scène de ce temple de l’art : Le Paris-Fripon.
« Mais qu’avez-vous en tête, mon pauvre Charles ? Une vengeance ? Je vous le déconseille : vous faites partie de ces individus envers qui la vie semble avoir les meilleures intentions mais prend, en fait, un malin plaisir à ne pas les tenir !... Cela ne vous ennuie pas que je m’habille tandis que nous devisons ? Et, tiens, si vous y tenez, je vous indiquerais un lieu où, à coup sûr, vous trouverez Vermillard.
C’est là, précisément, qu’il donne certains rendez-vous d’affaire. Et devinez : il y attend ma visite afin que je l’instruise de la somme que j’ai écrite sur la pensée paulinienne.
Le lendemain matin (Nous sommes dans la planche ci-dessus)
Charles, in petto : « Ainsi monsieur Vermillard avait, en ce moment, la fibre mystique. Ah, le vieux saligaud ! Tiens, ce n’est pas dans les écrits de Saint que j’avais lui trouver de la lecture mais dans les pages les plus sombres de l’« Ancien Testament »…

mardi 22 novembre 2011

Turlupinade


N’ayant pu obtenir aucune information auprès de la secrétaire particulière de Gaston Vermillard, son ex-éditeur, Charles a le moral dans les chaussettes. Il fait partie de ces individus que les vicissitudes de l’existence brisent bien plus qu’elles ne les renforcent ! Cheminant un peu au hasard, il se retrouve dans un quartier où il a ses habitudes…
« Charles, mon chou - L’interpelle familièrement une de celles-ci - Fais pas le délicat: tout le monde ici connaît tes petites manies. On est du même bord ! Alors oublie tes petits soucis et allons rigoler un brin … »
« Non, vraiment : cela ne serait pas sérieux. Encore que… Une petite pause pourrait m’être salutaire. Après celle-ci, peut-être que le soleil brillerait à nouveau, que le ciel serait bleu et que les oiseaux gazouilleraient joyeusement ? »
« Pardi ! »
- Mon pauvre ami ! Je comprends que cette histoire rebute tous les éditeurs : ce n’est qu’une petite turlupinade dont l’action n’avance guère… Ah, non!
- Non, quoi ?
- Vous ne pouvez publier la planche suivante: elle est réservée à un public non seulement adulte mais aussi averti.
- Chiche !

lundi 21 novembre 2011

Mollie Clarke: secrétaire particulière


- « C’est ainsi - Raconte Charles - que je me rendis au domicile parisien de mon ex-éditeur: Gaston Vermillard. Je fus reçu par Mollie Clarke, sa secrétaire. Hélas, Vermillard était absent et elle ignorait tout du lieu de villégiature de son patron. Mollie avait pourtant la meilleure nature qui soit : nul sacrifice ne lui semblait trop grand pour complaire à son prochain car le lait de la tendresse humaine courrait fougueusement dans ses veines ! »
- Attendez : le personnage principal, après avoir déambulé du côté du « Flat Iron Building » se retrouve, sans la moindre transition, en compagnie de la secrétaire de Vermillard ?
- Bah ! Était-il nécessaire d’infliger toutes sortes de vignettes barbantes, de le montrer dans l’escalier puis sonner pour enfin dire poliment: « Bonjour Madame ! » ? Non ! Non ! je préfère en arriver immédiatement au cœur du problème.
- Ah ! Parce que vous appelez cela « le cœur » du problème.
- What's else ?
- Résumons la scène: ce garçon, qui n'a rien de vraiment bouleversant, visite une dame, presque inconnue de lui et, tandis qu'il ôte juste son galurin, elle se fait un devoir d'ôter presque tout ce qu'elle porte.
- Des manières qui raviraient n'importe quel gentleman...
- Mais qui ne sont pas du tout réalistes! Mais j'oubliais que la mécanisme des hommes était si simple que le mode d’emploi en tiendrait facilement sur le dos d’un ticket de métropolitain.

The Flat Iron Building


Charles Neville poursuit : « Fin analyste de l’âme humaine, Somerset Maugham note qu’à Paris, « la vie littéraire est une lutte sans merci, où tout le monde livre une lutte impitoyable à tout le monde, où une clique attaque une autre clique, où l’on doit constamment se défier des pièges de ses ennemis et où, enfin, l’on n’est jamais certain de ne pas recevoir, dans le dos, un coup de dague donné par un ami ».
- Aie ! Fit-elle.
- Vous vous êtes fait mal ? Demanda l’auteur par pure rhétorique car il est rare que les fantômes des années anciennes se blessent, d’une manière ou d’une autre.
- Non : je fais allusion à Somerset Maugham. A l’évocation de ce nom, les éditeurs, à qui vous envoyez cette histoire, la referme vite fait.
- Comment ça ?
- Oui, ils se disent : « Houlà ! Houlà ! Prise de têtes et compagnie.
- Somerset Maugham est très populaire : il est même adapté en série télévisée !
- C’était par la BBC, au tout début des années soixante dix.
- Et alors ? Je me souviens très bien de « The Fall of Edward Barnard ». Un exemple pour moi. Je peux reprendre ?...
« Ces derniers mois m’avait fait éprouvé la justesse de ses propos. Victime d’une infernale cabale, j’étais aujourd’hui sans avenir artistique.
En retour, je souhaitais que les artisans de ma déchéance reçoivent, mesure pour mesure, leur du. Et, sur une liste noire, j’avais inscrit une liste noms à biffer » …

« BURBERRY », « BORSALINO » et « Smith & Wesson »


- « Au début du dix-huitième siècle, certains clubs se multiplièrent, en Angleterre : leur vocation était de bafouer la morale et la religion. Ainsi en fut-il de la société pour la propagation du vice : Le « Hell Fire Club ».
Fondé par sir Francis Dashwood, le club tenait ses assises dans un ancien monastère cistercien du Buckinghamshire. Officiellement dissous, il survécut secrètement tandis que sa raison sociale devenait « société pour l’encouragement au meurtre. J’avais décidé de rejoindre ce club très privé des zélateurs du crime et de l’assassinat »...
- Notons que cette planche est un phagocytage de deux illustrations réalisées pour les affichages « MARIGNAN ». Un somptueux catalogue qui répertoriait tous les emplacements des 4x3... Vous étant encore pris pour modèle, toujours avec vos fidèles « BURBERRY » et « BORSALINO », le raccord était facile... Et l'artillerie ?
- Charles Neville charge un « Smith & Wesson » modèle 19 en deux pouces et demi, une longueur de canon beaucoup trop courte pour que la munition puisse exprimer tout son potentiel destructeur...
- Mais tellement plus photogénique.
- Exactement.

« La Meilleure Façon de Tuer son Prochain »


- Bonté Divine ! C’est que, sans scrupules, vous semblez décidé à exploiter encore cette belle représentation de moi-même.
- Un hommage.
- Dans ce cas, c’est pas pareil ! « La Meilleure Façon de Tuer son Prochain » était un titre qui était à la fois un démarquage d’un roman de Pierre Siniac dont vous aviez réalisé la couverture (« Comment tuer son meilleur copain ») mais aussi une référence à Thomas de Quincey.
- Lequel écrivit: « De l'Assassinat considéré comme un des Beaux-Arts ».
- C’est là que vous avez découvert le « Hell Fire Club ».
- Qui est aussi le titre d’un épisode de « The Avengers / Chapeau melon et bottes de cuir ».
- Je vous fais confiance pour toute forme de connaissance à la fois inutile et dérisoire !
- Mon histoire commençait ainsi: « De leurs yeux de pierre, les gargouilles scrutaient avec inquiétude le ciel qui se couvrait. Auraient-elles eu de sombres pressentiments ? En tous cas, j’avais très à cœur de les exaucer dans leurs prédictions les plus noires ! Je m’appelle Charles Neville et suis écrivain. Le matin même, j’avais reçu un appel téléphonique qui m’ouvrait les portes d’un club très fermé » …

« L’Heure Bleue »


- Samedi 16 février 1982: en bas des pages culturelles du « Monde », se trouve, juste en dessous de l’affiche « 1900 » de Bernardo Bertolucci et à côté de « Mad Max », un petit encart publicitaire absolument incongru: « Jusqu’au 19 février Soldes sauvages au Bon Marché Rive Gauche ». Je sais, c'est très mal de faire de la publicité pour ce genre de manteaux. Mais peut-être mon agent ne m'avait-il pas dit pour qui je travaillais. De toutes façons, ça n'avait rien de personnel: je faisais ça pour l'argent.
- Ce n'est pas très noble.
- Non, mais faut bien vivre. Je me souviens qu’il s’agissait de la première version de ce dessin que, plus tard, j’ai appelé « L’Heure Bleue ». Un vrai best-seller que ce dessin-là ! Car il servit ensuite de couverture pour l’Eté Noir (tellement noir, cet été-là, qu’il me valut une année de NERVOUS BREAKDOWN après que l’ensemble de l’album eut été volé dans les locaux de l’éditeur. Hormis la couverture et les dernières pages, on ne sait pourquoi ). Ensuite il fut carton d’invitation, devint la couverture d'un numéro de 813 consacré à la légendaire collection « Le Miroir Obscur » des éditions NéO et, dernièrement, pour l’édition italienne de "LA NOTTE CHE HO LASCIATO ALEX" de Hugues Pagan.
- Certains affirment que l'heure bleue est le moment précieux où, alors que l’astre soleil bascule à l’horizon, le ciel se remplit presque entièrement d'un indigo particulier. L’arôme enivrant des fleurs serait à cet instant magique plus intense qu’à toute autre heure du jour.
- C’est aussi, et bien sûr, un parfum de Jacques Guerlain qui, un soir d'été, ressent un trouble étrange. Il raconte : « Le soleil s’est couché, la nuit pourtant n’est pas tombée. C’est l’heure suspendue. L’heure où l’homme se trouve enfin en harmonie avec le monde de la lumière ». La légende, écrite sans doute par la Maison Guerlain elle-même, veut que, de cette émotion, naisse ce parfum contenu dans un précieux flacon de style art nouveau et surmonté d’un bouchon en forme de cœur évidé. C’est un parfum que l’on apprécie vraiment que plusieurs heures après qu’une femme ne s’en soit revêtue, lorsqu’il n’en reste que des effluves un peu passés…
- « La vie est comme un arc-en-ciel : il faut de la pluie et du soleil pour en voir les couleurs ! » écrivit Jules Renard et si cela peut vous consoler!

Les Lieux du Mystère


- Au sujet de vos petites incartades hors du monde de l’édition, poursuivons avec vos expériences théâtrales.
29 avril 2003, Arles. Sur la scène d'un théâtre magnifiquement rénové, se déroule la première d’un spectacle singulier : Le Philharmonique de la Roquette joue en direct, je n’ose dire en chair et en os, les compositions écrites et arrangées par eux-mêmes tandis que sur l’écran passe un film dessiné par l’auteur lui-même. Une fois de plus, il n’a pu résister à la tentation de se mettre en scène. Cette fantaisie commence ainsi :
Oscar Wilde écrivit: « Les artistes que j'ai connus et dont le commerce était agréable étaient de mauvais artistes. Les artistes authentiques n'existent qu'au travers de leur œuvre et, dans la vie, ne présentent absolument aucun charme. »
Ce garçon s'appelle Jean-Claude CLAEYS et il illustre parfaitement cet aphorisme.
C'est la moindre des choses : Il est illustrateur !
Il a froid. C'est l'hiver…
Même le café, dont il est grand consommateur, ne parvient plus à le réchauffer.
Pire, les doses massives de caféine ne font que stimuler l'infernale effervescence de sa cervelle.
Il souffre de cette singulière maladie qui ravage les races à bout de sang. La mélancolie noire.
CLAEYS maudit l'emploi que le théâtre de la vie lui a dévolu. Emploi dans le sens : Jeune premier, ingénue, servante ou valet…
Lui, il est un spécialiste de la représentation de la mort violente, du crime organisé et de la délinquance artisanale.
Et quand il dessine simplement une jolie fille, son public cherche un maniaque caché derrière un pan de mur foudroyé ou un Chesterfield patiné…
- Il y aura SEPT REPRÉSENTATIONS !
- Résolument! Sept, pas une de plus, pas une de moins. Ne dit-on pas que le SEPT est un chiffre magique, bénéfique et chanceux car il est la somme de deux nombres eux-mêmes propices à la bonne-fortune: trois et quatre.

« L’Homme à l’Orange »


- Ah ! L’histoire de « L’Homme à l’Orange » : enfin votre récit a un sens et les images s’enchaînent avec une forme de logique. Certes, qui vous est propre ! Ce dessin servit pour la première scène tournée dans le court-métrage: « Le monde de Jean-Claude CLAEYS ».
- Originellement, cette illustration avait été réalisée pour « Hitchcock Magazine », la collaboration la plus épatante dont on puisse rêver puisque je n’avais même pas la contrainte d'un texte à illustrer. Hum… Contrainte, n’étant d'ailleurs pas le terme approprié puisque la fonction d’un illustrateur est de réaliser, à chaque couverture, un compromis qui se veut heureux entre l’univers du roman et son propre monde intérieur. Dans le cas de « Hitchcock Magazine », le choix des nouvelles n’était fixé qu’en dernière minute et il me revenait d’inventer chaque mois une situation dite de « SUSPENS »… Ici, l’idée est de représenter une de mes petites terreurs secrètes : celle d'une contamination de certains produits alimentaires par un type très mal intentionné.
- De grâce, épargnez-nous vos phobies et venez-en au fait.
- Voilà ! Voilà ! Cet original, je m’en souviens surtout parce qu’il servit en effet pour le premier plan réalisé par Jean-François Jung...
FLASH-BACK
Les éclairages sont en place, le metteur en scène me pousse devant le chevalet (un gros truc patiné par le temps et qu’il a déniché chez les antiquaires de l’Isle sur la Sorgue). Puis il me place, Jean-François Jung, une orange dans le creux de la main et me demande de bien la regarder .
« Aaaah ! - que je pense IN PETTO - Je vais avoir l’air d'une autruche qui vient d'apercevoir un bouton de porte en cuivre! »
Du coup, je commence à ruisseler de terreur et d’appréhension. Une vraie fontaine qu'aucun fond de teint ne saurait masquer.
- Comment vous est venue l’idée de cette illustration ? Qu’il me questionne, l’autre, impitoyable.
- Heu… C'est-à-dire que… Enfin, vous comprenez… - Je commence, avec une voix qui ressemble au dernier soupir d’un canard à l’agonie.
Depuis ces lointaines années, Jung ne cesse de me répéter combien ses techniciens ont eu du mérite à rendre intelligibles mes bribes de pensées, aussi éparses que ténues…

« Ça va barder à Saint-Panthaléon »


- Le titre de cette bluette était: « Ça va barder à Saint-Panthaléon »! Est-ce l'homme aux mille visages, ou Jean-François Jung lui-même, qui me fit découvrir cette pompe oubliée par un garagiste sans scrupules, sur le bord de la route de Saint-Panthaléon…
- Pour les parisiens, précisons que Saint-Panthaléon se trouve près de Gordes.
- Saint-Panthaléon est un village qui fait dans le genre quelques maisons de chaque côté d’une route: rien de plus! Mais revenons à notre pompe à essence, qui est le sujet du jour. Moi-même, par goût, je cherchais quelque chose de plus ancien encore, le genre munie d'un bras avec lequel on pompait d'une ampoule de verre vers une autre. Voyez? Il y en avait une comme cela, au bout d'un chemin de mon enfance, sur la route de Corbeil…
- Où vous alliez voir passer le Tour de France, je sais.
- Ah ! Je vous ai déjà raconté... Ce dessin fut réalisé en direct pour ce court-métrage de 17 minutes que le Maître lui-même me consacra dans le cadre de « Océaniques », une émission d’Alain Jaubert diffusée sur FR3. Il y a... Un certain temps.
- En cours de route, ce couple s’arrête dans une station-service, sous le prétexte de faire le plein. Le personnage masculin tient, entre ses doigts, le moyen de remédier à un coup de folie et au caractère indissoluble de l’engagement pris !
- Comme le dit Charles Ryder dans Brideshead revisited: « Dépouillée maintenant de tout ce qui avait fait son enchantement, la Bien-aimée n’était plus pour moi qu’une étrangère sans affinités, à laquelle je m’étais lié indissolublement dans un accès de folie… »
- Et s’il se trompait ? Oui, qu’il réfléchisse bien: il est encore temps. Ensuite ce sera la politique de Lady Macbeth : « what’s done is done » !

samedi 12 novembre 2011

« Job 14 »


- « L'homme né de la femme, a la vie courte, sans cesse agitée. Il naît, il est coupé comme une fleur; Il fuit et disparaît comme une ombre », rappelait ce flic afin de réconforter le type qui s'était pris une bordée de pruneaux dans le buffet.

vendredi 11 novembre 2011

« HUMPF ! »


« Et parfois même: HUMPF! »

« SPLATCH ! »


« Ça fait: SPLATCH ! »

« Et ça fait: VLAM ! »


Wellcome dans « Le monde de Jean-Claude CLAEYS », selon l'expression de Jean-François Jung, où:
« Ça fait: VLAM ! »

Venez dans mon Comic Strip...


« Vous n’êtes tragiquement que ce spécialiste de la représentation de la mort violente, du crime organisé et de la délinquance artisanale » Venait-elle de dire.
KLONK! Avait fait la crosse du Smith & Wesson.
BLAM! BLAM! fit leur copain Colt... « Si ça peut t’être d’un certain réconfort, dis-toi bien que tout ça n’a rien de personnel: je fais ça pour l'argent ! » Que je m'excusais, pour ainsi dire, auprès de mes clients! Oui, venez dans mon Comic Strip...

« Naturam expelles furca, tamen usque recurret »


KLOMP! Fit la crosse du Smith & Wesson.
- Voilà, j'avais encore raison. « Naturam expelles furca, tamen usque recurret » nous enseigne Horace : chassez le naturel et il revient au galop !
- De quoi parlez-vous donc ?
- De votre inclination à représenter des scènes de violence.
- Ma chère, malgré les apparences, aucun mauvais traitement n'a jamais été infligé à mes modèles! Tout ceci n'est que de la mise en scène et les expressions reflètent soit les talents d'acteur de ces derniers, soit mon talent à bien représenter des grimaces. Parfois même les deux!
- C’est un sujet sur lequel je me suis déjà longuement exprimée. Et donc encore, en arrière-plan, vos balivernes au sujet des bibliothèques ou des musées. Lesquels, dites-vous, symbolisent la vanité de la connaissance: « Je me suis dit en moi-même: voici que j'ai accumulé et amassé de la sagesse, plus que tous ceux qui ont été avant moi à Jérusalem, et mon cœur a possédé amplement sagesse et science. J'ai appliqué mon esprit à connaître la sagesse, et à connaître la sottise et la folie; j'ai compris que cela aussi est poursuite du vent. Car avec beaucoup de sagesse on a beaucoup de chagrin, et celui qui augmente sa science augmente sa douleur... »
- Ça, c’est Qohélet, Fils de David et Roi à Jérusalem, qui nous le dit.
- Aie ! Citer Maxime Préaud, Pascal Quignard ou l’Ecclésiaste, il n’est pas étonnant que vous ayez perdu tant de lecteurs en cours de route. Pourquoi pas ce bon vieux Job, pendant que vous y êtes ?
- Non, pas Job : le pauvre est déjà bien assez accablé comme ça !

dimanche 6 novembre 2011

« Vol à la Grande Bibliothèque »


- Notre ami aux mille visages fut aussi bibliothécaire.
- Oui. Cette fresque était destinée au « Salon du livre de Bécherel ». « Unique ou en nombre, amoncellement du savoir, recueil de textes antiques, ouvert aux pages illustrées, refermé sur le secret de la parole sacrée, le livre est l’attribut du savoir et de la sagesse. Mais aussi de leur vanité en regard de l’éternité... » Disiez-vous. Pensez-vous que ce commentaire s’imposait ?
- J'ai simplement présenté ce dessin sous le titre « Vol à la Grande Bibliothèque ».
- C’est préférable : ils auraient mal vécu d’être comparés à des cimetières aux pierres tombales plus ou moins colorées !

« La Pierre de Lune »


- Oooohhh! - S'exclama-t-elle - N’est-ce pas l'illustration pour « La Pierre de Lune » de Wilkie Collins, un roman dont l’auteur ne se souvenait plus tant il avait abusé du laudanum durant son écriture?
- Exactement. Et l’on peut dire qu’elle marque l’apogée de ma carrière. En effet, dans le film de Jean-François Jung et dont il est question depuis plusieurs billets, la voix formidable de Pierre-André Boutang lisait un extrait du livre tandis que la caméra panotait sur mon dessin. Cela ne vaut-il pas toutes les palmes académiques du monde ?
- Si vous le dites! En tous cas, vos éditeurs en avaient pour leur argent: car vous avez dessiné cette statue indienne entièrement à la main, n'est-ce pas ?
- Cela va de soi. Et vous pouvez constater que notre ami de Lagnes tînt bien d'autres rôles que celui de punching-ball !
- Le soi-disant diamant était en fait un magnifique cabochon de bouteille qui m'appartenait.
- Rendons à César ce qui lui appartient!

vendredi 4 novembre 2011

« L’Homme aux mille visages »


- Mais, plutôt que de nous attarder sur vos petites phobies…
- Sans lesquelles je n'aurais rien crée puisque que n'ayant rien à mettre en scène !
- C’est une possibilité, je vous l’accorde.
- Vous ai-je déjà dit que j’ai vu s’éteindre peu à peu, mais inexorablement, la flamme artistique chez certains de mes pairs, lesquels avaient noués des relations, à la fois trop longues et trop personnelles, avec des « shrinks ».?
- Des « docteurs Maboule », en français. Oui, vous me l’avez raconté mille fois. Mais revenons à « L’Homme aux mille visages ».
- Jean-François Jung voulut, dans « Le Monde de Jean-Claude Claeys », reconstituer cette scène. Le malheureux passa une partie de la nuit sous le robinet d'arrosage du jardin, tandis que la caméra panotait complaisamment sur les filets d'eaux qui ruisselaient sur le « BURBERRY » détrempé. Et je ne veux pas faire de contre-publicité à ces ingrats dont j’ai fait la fortune en multipliant les représentations de leurs imperméables, mais ils sont tout, ces trench-coats, sauf imperméables !
- Notons qu’il s'agissait, au départ, d'une publication du Centre Georges Pompidou. Dans les Cahiers du CCI, un numéro spécial intitulé : « Tout Autour, Banlieues d’images et d’écritures ».
- Je l'avais oublié, cette publication pourtant prestigieuse! Hum... Je me demande bien pourquoi j'avais dessiné cette planche et quel était son rapport avec le thème des Banlieues?... J'ouvre le bouquin et je me rends compte que j'avais alors inséré des bulles. Elles disaient, ces bulles: « Février 1934, dans la banlieue industrielle de Solingen... Une pluie fine tombait sur la Ruhr: je relevai le col de mon Burberry. En vain, un filet glacé me ruissela entre les épaules! Je frissonnai: les pavés mouillés reflétaient le rougeoiement des usines où se forgeaient les armes d'une revanche à venir. Fallait que j'en réfère immédiatement à Downing Street... ».
- C’est pathétique !
- Oui, des réminiscences de l'Agent Secret X13, j'en ai peur.
- Dans ce numéro des Cahiers du CCI, je lis même une interview de Robert Doisneau, dedans.
- Robert Doisneau, vraiment ?... ©1986 : tout s’explique. C'est qu'il y en a de l’eau qui est passée sous le Pont Mirabeau!
- Où coule la Seine ?
- De préférence !

Le BARON ROUGE


- Aventurier intrépide mais aussi aviateur. Un de mes dessins préféré. J'ai refusé de le vendre à un riche amateur de vieux coucous.
- Mais vous vendez des BAISERS.
- J'ai eu tord. Un dessinateur devrait se garder une collection particulière. Mais vous savez...
- Oui, je sais: la vie d'artiste avec cette fin du mois qui revient sept fois par semaine. J'ai donné! Au passage, cette jaquette relevait de l'imposture...
- J’avoue. Il s’agit d'une illustration que j’avais réalisée pour l’Archer Vert. Mon dessin donne l’impression qu’il s’agit d’une histoire d’aviateurs alors que cette scène n’est un souvenir tenant à peine dix lignes dans le livre.
- Mais elle a plu, cette couverture ?
- J'imagine.
- Alors dites-vous une bonne chose : une couverture qui séduit, même si elle est un peu tirée par les cheveux, est préférable à une autre plus fidèle mais sans charme. Car votre métier est de plaire, de représenter une scène susceptible de tirer le badaud par la manche. Afin que ce dernier, séduit ou interloqué, jette un œil sur la quatrième de couverture… Ainsi, s'il fait ce choix (et cela parmi tant d’autres), vous aurez accompli brillamment votre office.
- Vous êtes formidable ! Hum… Je me disais : vous ne voulez pas créer une Maison d’Éditions ?
- Oh, vous savez : éditer des livres serait une chose merveilleuse. Hélas, il y a les auteurs !
- Qui, eux-même, disent: « Tous les éditeurs sont des charognes ! C'est peu dire que je ne les aime pas: je les hais! Rien à faire avec eux, ce sont des commerçants. C'est tout dire. Leur devoir est de nous tondre à rien! Comment ils s'y prennent? Vous, ingrat qui leur devez tout. Eux, qui ne vous doivent jamais rien! » Ou bien: « Je me fous énormément de ce que mon éditeur peut penser de mes livres. Il n’est même pas question de solliciter son avis car son goût est forcement mauvais. Autrement il ne ferait pas ce métier de semi-épicier, semi-maquereau ! »
- Et ce type avait encore un éditeur ?
- Étrangement: oui ! Un prénommé Gaston...

L'Aventurier du Yucatan


- Loin d'être confiné à l’emploi de souffre-douleur, notre ami joua tous les rôles dont celui d'aventurier...
- « Dérivant à bord du sampang
L'aventure au parfum d'Ylang-ylang
Son surnom, Samouraï du Soleil
En démantelant le gang de l'Archipel… » ?
- Un peu, je l’avoue et les romans d’Henri Vernes illustrés par Joubert ne sont pas étrangers à mon étrange vocation ! Ce dessin, tout comme « Le Fou à la Mobylette, « L’Homme à l’orange » ou « Nuit d'orages » » fut également mis en scène dans le film de Jung… Il me fallut encore sacrifier une chemise, lacérée avec un coupe-chou: une dépense non remboursée par la production.
- Vous vous aventuriez sur des territoires qui ne vous étaient pas familiers…
- Sur « Le Territoire des Morts », je dirais même! Un William Irish. C’était une illustration intérieure pour cette collection confidentielle chez SINFONIA, initiative éditoriale de cet incroyable touche-à-tout: Jean-Pierre J*. Je me souviens maintenant qu’il avait écrit un gros livre plein d’images avantageuses sur ce type amateur de gros-bonnets: Russ Meyer. Plus tard, et malgré son inclination pour les films de gladiateurs dont les acteurs oublient d’enlever leurs montres-bracelets, J-P J* se prit de passion pour le cinéma d’auteur japonais. Genre Mizoguchi, si vous voyez ce que je veux dire...
- J'ai toujours préféré Shohei Imamura.
- Moi-même, toutes mes complaisances vont à Hideo Gosha. Mais chacun son truc! Bref, notre bonhomme devint une sorte de spécialiste du film nippon. Dans sa quête de rédemption, il traduisit même des philosophes comme Spinoza, Hume, Locke ou Schopenhauer.
- Pfff ! Ne publia-t-il pas des monographies sur sur Miles Davis et Charlie Parker…
- Si! J'avais réalisé une très belle affiche pour un documentaire qu’il avait sorti en salle, profitant de la publicité faite autour du film de Clint Eastwood.
- « Bird », voilà. Le documentaire s’appelait quant à lui « Bird Now »…

La tête contre les murs


- Aie! Le pauvre homme! Pourtant, nous le connaissions bien. Il y a quelque chose de profondément mauvais en vous !
- Conclusion hâtive : c'était son truc.
- Prendre des coups de poing dans la figure ou se faire taper la tête contre un mur ?
- Non : il faut dire que c’était notre voisin quand nous habitions à Lagnes. Il aimait rendre service... D’ailleurs, je me souviens que ce concassage de crâne fut le premier dessin réalisé avec lui. Un garçon, tellement complaisant... Je le mis ensuite souvent en scène. C'est lui qui apparait sous la pomme du jet d'eau et en trench-coat dans ce beau film conçu pour l'émission OCÉANIQUES, « Le Monde de Claeys », écrit et mis en scène par Jean-François Jung…
- Mince, alors! Ce malheureux devait expier quelque faute ancienne et n'avait pas trouvé meilleure pénitence que celle de vous servir de souffre-douleur?
- Vous imaginez encore des trucs. Il travaillait, lui aussi, dans l’« ENTERTAINMENT » et c'était un vrai professionnel qui comprenait les exigences du réalisme. Enfin, malgré les apparences, aucun mauvais traitement n'a jamais été infligé à mes modèles! Tout ceci n'est que de la mise en scène et les expressions reflètent soit les talents d'acteur de ces derniers, soit mon talent à bien représenter des grimaces. Parfois même les deux!

BIG STAN


- Ah !
- Que vous arrive-t-il ?
- Je me souviens ! « Quand la Ville dort »…
- « Quand la ville dort
Je laisse aller le sort
Je n'ai aucun, je n'ai aucun, je n'ai aucun remords » ?
- Non, pas « Niagara ». Plutôt William R. Burnett.
- L'auteur de « Little Ceasar » ?
- Voilà! Je me souviens de Doc Riedenschneider. A la fin de « The Asphalt Jungle », il se fait arrêter pour avoir donné une pièce à une fille, beaucoup trop jeune pour lui, afin qu’elle danse au son d’un jukebox. « Depuis combien de temps étiez-vous là ?» Demande le flic.
Doc répond: « le temps d'un disque... »

Aventures exotiques


- Je ne me rappelais pas non plus que vous aviez illustré des romans d’aventures exotiques.
- Moi non plus !
- Quel naufrage ! Vous avez commencé la rédaction de ces billets par « JE ME SOUVIENS », puis ce fut « JE NE ME SOUVIENS PLUS TRÈS BIEN ». Aujourd’hui, c’est trop souvent: « RIEN. RIEN de RIEN. JE NE ME SOUVIENS DE RIEN ! »
- Ça dépend de quoi. Ainsi je me souviens très précisément que nous nous sommes rencontré dans une boite brésilienne de la rue Mouffetard. Un pur hasard car je fréquentais plutôt le « 78 » ou « Les Bains Douches », à moins que ce soit « L’écume des nuits »... Mais, ce soir-là, de vagues copains (en fait, je ne suis pas vraiment le genre à copiner) m’avaient entrainé sur la Montagne Sainte Geneviève. L’un d’entre eux, un maladroit dont je tairais le nom, renversa votre verre. Je demandai à ce que, bien naturellement, le barman vous le remplaça…
- Vous étiez un garçon tellement prometteur.
- J’ai veillé à décevoir toutes les grandes espérances que chacun avait mises en moi ! Bref, nous sympathisâmes et vous m’aviez laissé votre numéro de téléphone sur un ticket de métro…
- Un ticket de métro : vous êtes certain ?
- Formel.
- Il était poinçonné, au moins ?